A la croisée du doom metal, d’un certain grunge, celui d’Alice In Chains, des Melvins des bons jours et du punk hardcore, Crowbar fait partie des pionniers du sludge avec d’autres bandes de joyeux drilles du sud des Etats-Unis tels qu’Eyehategod, Acid Bath ou Soilent Green. Ils préfigurèrent le son du stoner mais sans sa dimension psychédélique.
Eminence grise et incarnation du groupe, Kirk Windstein. Avec Crowbar il a bâti une oeuvre solide sur une formule qui a certes peu évolué mais dont l’efficacité reste indiscutable. Si l’on ajoute sa contribution non négligeable à DOWN, le groupe post Pantera du chanteur Phil Anselmo, Windstein peut s’enorgueillir d’avoir contribué à créer un courant important du metal, toujours populaire auprès des fans trente ans après.

Douzième album et Crowbar prouve encore qu’il fait partie de ces groupes de la constance, tels AC/DC à qui on fait la remarque du manque d’inovation depuis cinquante ans, y compris pour Power Up leur petit dernier chroniqué ici. On a bien tort de leur faire ce reproche. Les fans peuvent aussi aimer la régularité, la fidélité à un style.
Mis sur orbite par Chemical Godz, un single puissant, Zero And Below (2022 MNRK Heavy) regorge d’arguments qui pourraient bien réinstaller les néo orléanais sur le devant de la scène sludge et au delà, bien aidés il faut le dire par la méforme d’Eyehategod et par le rejet des fans et de la communauté metal pour DOWN suite au tristement célèbre Dimebash Incident de 2016 où Phil Anselmo a – il faut le dire – franchit les limites de l’inacceptable.
En réintégrant DOWN en 2019, après en être parti en 2013, Windstein, qui n’est pas impliqué dans l’incident, a montré qu’il a pardonné à Anselmo, ces deux-là se connaissant depuis l’enfance. Vous n’êtes pas obligé(e) de faire de même. D’ailleurs on ne peut pas dire six ans après que DOWN ait vraiment remonté la pente. Le faut-il vraiment ?
Mais revenons-en à notre sujet.
Servi par un groupe en pleine forme, Zero And Below creuse le même sillon que ses onze prédécesseurs, affichant une brillante maîtrise d’un style sans jamais donner l’impression d’un boulot fait à moitié. On savait que Windstein and co étaient des bosseurs, mais aujourd’hui ils donnent la sensation d’avoir encore plus bossé, peut être la conséquence de la mise à l’arrêt générale subie depuis 2020. Pour ce nouvel album, les structures sont plus riches, des mises en places nous bousculent et on a même cru apercevoir quelques mesures impaires sur Her Evil Is Scared !
Au delà, si l’on continue à parler d’évolution, il faudrait y regarder de plus près du côté du chant. Windstein poursuit son émancipation par rapport à la figure patronale de Phil Anselmo (promis on ne parle plus de lui) pour allez chercher l’influence – nous semble-t-il – d’un Burton C. Bell, voix emblématique de Fear Factory. Cela nous semble flagrant sur le single Chemical Godz mais on retrouve cette sensation régulièrement au fil des titres.
Côté musique, maîtres mots, lourdeur mais dans le bon sens du terme, et précision. Après une mise en bouche solide avec The Fear That Binds You, nous allons naviguer entre ce nouveau Crowbar plus sophistiqué d’Her Evil Is Scared ou d’It’s Always Worth The Gain et le visage bien connu du groupe sur Confess To Nothing ou Reanimating A Lie avec quelques revigorantes pointes de vitesse sur Bleeding From Every Hole qui aurait pu trouver sa place sur un bon Motorhead.
Aux manettes, les gars ont là aussi choisi la constance en confiant à nouveau la réalisation à Duane Simoneaux, un nom désormais incontournable lorsqu’on égraine la discographie de Crowbar. Quatre albums depuis 2011, soit un bon tiers désormais des disques du groupe sont passés entre les oreilles expertes du boss d’OCD Recording and Production, manifestement une bonne adresse pour avoir un gros son. D’autant que depuis deux albums Simoneaux semble avoir trouvé le bon équilibre, les guitares fusent et la batterie est plus claquante. En définitive les néo-orlénais n’a jamais aussi bien sonné que sur Zero And Below.
Pour nous aussi faire le boulot jusqu’au bout, mentionnons la pochette qui est de notre point de vue le visuel le plus réussi de toute la discographie avec The Serpent Only Lies (2016 eOne). Ce qui montre peut être une prise de conscience récente de l’importance de cet aspect des choses.
Au final si vous ne deviez écouter qu’un album de Crowbar, ce serait bel et bien celui-ci. Ce disque apparaît bien plus ambitieux que tout ce que le groupe nous avait proposé jusqu’alors et ils ont fait le job. Une réussite.