Album de renaissance pour le groupe lui-même, album à succès et aujourd’hui bande-son de la guerre, album de combat, disque de mobilisation, chant d’espoir, Gloria (2005 Lavina Music) est le cinquième album d’Okean Elzy, sorti en 2005, soit bien avant les événements tragiques du moment.
Emmenés par Sviatoslav Vakartchouk, les Lviviens occupent une place tout à fait centrale dans le paysage musical ukrainien depuis une bonne vingtaine d’années et collectionnent récompenses et places d’honneur dans les charts du pays. S’exprimant en ukrainien plutôt qu’en russe, mais pas par rejet du russe, Okean Elzy a vocation à plaire à tout le monde et a d’ailleurs connu un beau succès dans les pays russophones.
Leur place particulière dans les coeurs de leur compatriotes, Vakartchouk et consorts la doivent aussi beaucoup à leur engagement politique. Déjà chantres de la Révolution Orange de 2004, puis s’étant interdit de rejouer en Russie depuis l’annexion de la Crimée en 2014, le groupe poursuit plus que jamais son activisme en ces temps de guerre.

Musicalement, Okean Elzy joue du rock indépendant aux fortes références occidentales. Nos petites oreilles d’européens anglo-formatées peuvent donc s’y sentir comme chez elles. A ce propos, le chant en ukrainien apporte un souffle de mystère bienvenu, habitués que nous sommes à n’entendre quasiment que de l’anglais depuis au bas mot soixante-dix ans. Eh oui le temps file depuis les premiers Elvis, on peut s’autoriser d’aller voir un peu ce qui se passe dans le reste du monde.
Collection de mélodies accrocheuses portées par la voix éraillée et terriblement expressive de Vakartchouk, les chansons présentes sur Gloria évoquent avec poésie des thèmes mélancoliques, la nostalgie, et puis au milieu de tout cela : « без бою » (« Biez Boyu ») et ce refrain transperçant : « Я не здамся без бою », « je n’abandonnerai pas sans me battre ». Et pris au pied de la lettre, le chanteur se distingue par son apreté à la lutte, Vakartchouk voyage dans tout le pays, lance des appels au monde entier, chantant et battant le pavé pour réconforter la population, encourager les combattants, organiser des collectes de tout ce dont chacun peut avoir besoin.
N’allez cependant pas croire que ce disque ne serait que tristesse et désolation. Il célèbre aussi les beaux arrangements. Ainsi l’orchestre de Kyiv est venu magnifier « Persha Pisnya » (littéralement bien nommée « La Première Chanson »), Ikone Ne Platchut » (« Les Icônes Ne Pleurent Pas ») ou encore « Sondse Sidaye » (« Le Soleil Se Couche ») tandis que « Ty I Ya » (« Toi et moi ») ou « Nikoli » apportent leur note de vitalité.

Gloria reste encore un des albums favoris des Ukrainiens en matière de rock, évidemment les circonstances l’ont remis sur le devant de la scène, faisant de « Biez Boyu » un des hymnes de la résistance. Ce cinquième album compte comme un jalon important dans la discographie du groupe, il a marqué l’arrivée aux claviers et la prise de commande aux arrangements du serbe Milos Jelic qui a fait évoluer le son d’Okean Elzy vers une pop plus sophistiquée qui n’a pas renié pour autant sa rugosité.