Rammstein – Zeit

Note : 4 sur 5.

Voici près de trente ans que Rammstein parvient à attirer l’attention du monde entier avec sa musique froide, mécanique, portée par les interprétations si habitées de Till Lindemann.

Un tour de force, un cas unique qui n’a hélas pas bénéficié à d’autres groupes allemands qui chanteraient en allemand ni même à d’autres groupes non anglophones. Non, mis à part Rammstein le monde du rock a continué à tourner autour de son axe américain comme si de rien n’était, tolérant simplement ces teutons tapageurs et bien trop brillants pour être éclipsés au simple motif de la langue.

D’abord adeptes d’un metal indus, la Neue Deutsche Härte, battu comme du fer chaud, le sextet a progressivement trouvé une voie plus singulière mêlant solidité, théâtralité macabre et burlesque, une mise en scène prodigieuse que ce soit dans des clips aux allures de court métrages mais surtout dans des concerts épiques qui laissent un souvenir indélébile à quiconque en ayant vécu l’expérience.

Avec ce huitième album les berlinois finissent le job et trouvent une place aux quatre chansons écrites pour Deutschland (2019 Universal) mais non retenues du fait d’une règle indéboulonnable : chez Rammstein les disques contiennent 11 titres, point barre. Quelles sont ces chansons, vous ne le saurez pas, c’est un secret bien gardé.

Zeit (2022 Universal) dégage dès la première écoute une sensation de retour aux sources. D’emblée « Armee Der Tristen » nous replonge dans ces atmosphères synthétiques et martiales propres aux deux premiers albums Herzeleid (1995 Motor Music) et Sehnsucht (1997 Motor Music). Cette sensation se voit renforcée par les clins d’oeil faits à leur propre discographie, « Zick Zack » lorgnant du côté de « Zwitter », « OK » du côté d' »Asche Zu Asche », l’envolée de « Zeit » nous renvoyant à « Seemann ».

Et puis il y a la mélancolie omniprésente, annoncée dès le premier single éponyme, une balade qui mettait en scène rien de moins que la mort des membres du groupes. Même les titres les plus critiques semblent porter un regard qui n’a plus qu’un humour désabusé à offrir pour qualifier l’absurdité du monde. Pression sociale et chirurgie esthétique intempestive sur « Zick Zack », montée des extrêmes sur « Angst », les violences familiales pour « Meine Tränen ».

Même lorsqu’il n’est question que de grivoiserie balourde en apparence comme dans « Dicke Titten » ou de subversion sur « OK » le fond du propos reste grave, car c’est bien l’hyper-sexualisation de notre monde qui est en ligne de mire et remarquablement dénoncée.

A la production Olsen Involtini – qui avait déjà passé une tête et signé les arrangements de cordes sur Mutter (2001 Motor Music) et réalisé plusieurs travaux solos de Richard Kruspe ou de Till Lindemann – continue son travail entamé avec le live Paris (2017 Universal) et réussit une fois de plus à concilier l’ampleur et la lourdeur, pas étonnant que les gars de Rammstein n’aille plus voir ailleurs. 

Un dernier détour pour mentionner la pochette et cette photographie signée Bryan Adams. Oui, LE Bryan Adams de « Summer Of 69’ » et dont on ignorait à la fois les talents de photographe et la proximité avec le groupe. Ledit groupe descendant les escaliers d’un étrange bâtiment situé à Berlin, le Trudelturm. Copieusement retravaillée dans sa coloration, positionnée sur un sol en béton lisse en accentuant la froideur et l’aspect science fictionnel, la tour est en fait une ancienne soufflerie construite par l’aviation militaire nazie et qui fait aujourd’hui partie d’un complexe aéronautique historique.

Disons le simplement, on s’est régalé et Zeit est un excellent disque, intelligent, massif. On aurait peut être voulu être transporté un peu plus haut. On est toujours beaucoup trop exigeants avec ses idoles.

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