StrangeF.O.L.K
Les vétérans anglais de la britpop sont de retour avec un album concept où pour la première fois leurs accents mystiques sont abordés sous un angle plus léger. Les sonorités indiennes s’effacent pour faire de 1st Congregational Church Of Eternal Love (And Free Hugs) un pur concentré de pop au grain vintage qui nous oblige à revoir nos copies : sur la scène britpop des années 90, les frères Gallagher, personnages plutôt antipathiques malgré leur popularité, passaient pour les meilleurs rejetons des Beatles. C’est dommage, le costume va beaucoup mieux à Crispian Mills qui connaît l’Inde, même si ce n’est pas le propos de ce nouvel opus.

Kula Shaker a cette fois-ci choisi d’honorer une tradition toute droit issue de la fin des 60s le concept album. Le contexte est immédiatement planté mais comme nous l’avons dit, l’humeur doit rester légère. Crispian Mills s’amuse dans la théâtralité et prend donc la parole d’une voix de vieux pasteur fatigué. L’heure est à la célébration mais pas que, l’archange Michel a expulsé Lucifer du Paradis, voila donc l’occasion de nous interroger sur notre manière d’affronter le mal.
Sermon de courte durée, nous sommes rapidement pris dans l’effervescence du premier véritable morceau de l’album, « Whatever It Is (I’m Against It) » et son riff très bluesy flower power, où l’on comprend de suite que Crispian Mills a porté son regard et ses oreilles vers les Etats-Unis plutôt que vers l’Inde. Si Kula Shaker a souvent été catalogué Britpop car ayant émergé au coeur du mouvement en 1996 avec son premier album culte K (1996 Sony Music) , leur musique rappelle plutôt le rock des 60s, Beatles et Kinks en tête et pourquoi pas par moments Hendrix ou The Lovin’ Spoonful, le tout bien assaisonné d’un soupçon de rock psyché. Chacun des titres de l’album sans exception peut en donner l’illustration.
Et si l’on pourra noter un décalage entre la musique et les interventions du Pasteur qui tournent progressivement au vaudeville, la qualité des chansons ne faiblit pas. Des parentés inévitables apparaissent avec trois Beatles sur quatre. Eh non, rien pour Ringo. John Lennon aurait pu signer le texte de « Whatever It Is » quand George Harrison et Paul McCartney auraient pu chanter respectivement « Gingerbread Man » et « Farewell Beautiful Dreamer » (que l’on croirait sortie de l’album Ram). On croise également Pink Floyd – on s’y attendait moins mais c’est réussi – sur « The Once And Future King », et globalement la succession de riffs fuzz et de solos épiques (« Don’t Forsake Me » et « 108 Ways To Leave Your Narcissist ») démontrent que Kula Shaker affiche une forme étincelante en plus de références impeccables. De fringants quinquagénaires en somme.

Au final, un album réjouissant malgré son épaisseur et dont l’aspect conceptuel, certes divertissant, ne semble pas bien raccroché aux chansons. Cependant, quelques écoutes rendent cette 1st Congregational Church Of Eternal Love (And Free Hugs) absolument addictive. Kula Shaker vient de nous offrir un disque d’immersion, un trip vintage, fourmillant et parfois drôle qui révèle de nouveaux détails à chaque voyage, le bonheur perpétuel ou presque.
En playlist : The Once And Future King